1. Le front plein de pensée,
Oeil d'où jaillit l'éclair,
Les moustaches foncées,
Guenilles de grand air ;
Il use sa prunelle
Aux vitraux du balcon
Éveillez-vous ma belle
Éveillez-vous, Ninon !
2. Par instant, il essuie,
Du revers de sa main
Ses cheveux plein de pluie
Le rube bohémien...
Il rôde en chien fidèle
Autour de la maison.
3. Son éperon résonne
À frapper le pavé
Il guette si personne
Près de la n'est levé ;
Pour lui chercher querelle
Car le temps semble long.
4. En vain, il tend l'oreille
En murmurant tout bas ;
Sans doute on la surveille
Ou Ninon ne sait pas,
Que je fais sentinelle
Au pied de son balcon.
5. Je resterai, qu'importe,
Le temps m'en bien égal,
Si par malheur la porte,
S'ouvre sur un rival,
Au mur de l'infidèle
Je clouerai le larron.
6. Si quelquefois une ombre
Obscurcit le rideau,
Son regard devient sombre
Sa main touche au pommeau
De l'arme qui ruisselle
Et lui bat le talon.
7. Accroupi près des bornes
Quand il rage, anxieux,
La lune fait les cornes
Au bohème amoureux !
Il ne voit pas l'échelle
Descendre du balcon !
8. La nuit est disparue
Et du balcon au seuil
La maison est tendue,
D'un long voile du deuil...
C'est que la mort cruelle
Était dans la maison.
Dormez, dormez, la belle
Dormez, dormez, Ninon.