1. C'était de mon temps
Que brillait Madame Grégoire.
J'allais à ving ans
Dans son cabaret rire et boire ;
Elle attirait les gens
Par des airs engageants.
Plus d'un brun à large poitrine
Avait là crédit sur sa mine...
Ah ! comme on entrait
Boire à son cabaret !
2. D'un certain époux
Bien qu'elle pleurât la mémoire,
Personne de nous
N'avait connu défunt Grégoire ;
Mais à le remplacer
Qui n'eût voulu penser ?
Heureux, l'écot où la commère
Apportait sa pinte et son verre !
3. Je crois voir encor
Son gros rire aller jusqu'aux larmes,
Et sous sa croix d'or
L'ampleur de ses pudiques charmes.
Sur tous ses agréments
Consultez ses amants ;
Au comptoir, la sensible brune
Leur rendait deux pièces pour une.
4. Des buveurs grivois
Les femmes lui cherchaient querette.
Que j'ai vu de fois
Des galants
se battre pour elle !
La garde et les amours
Se chamaillaient toujours !
Elle, en femme des plus capables,
Dans son lit cachait les coupables.
5. Quand ce fut mon tour
D'être en tout le maître chez elle,
C'était chaque jour
Pour mes amis fête nouvelle.
Je ne suis point jaloux :
Nous nous arrangions tous.
L'hôtesse, poussant à la vente,
Nous livrait jusqu'à la servante.
6. Tout est bien changé :
N'ayant plus rien à mettre à perce,
Elle a pris congé
Et des plaisirs et du commerce.
Que je regrette, hélas !
Sa cave et ses appas !
Longtemps encor chaque pratique
S'écriera, devant sa boutique :