1. Bonjour mon pèr', v'là qu'je r'viens du service ;
Les gas d'chez nous, ils sont tous renvoyés ;
J'avais tant d'poux, en faisant l'exercice,
Qu'ces gros messieurs en étaient tout gênés.
Oh ! oh ! oh ! oh ! oh ! oh !
Depuis six mois, chez nous tout est nouveau.
2. Je n'connais plus notr' fumier notr' grange,
Vous avez fait arracher l'gros ormeau ?
Regardez donc en six mois comm' tout change,
À notr' grand puit on n'peut plus tirer d'eau.
3. Ma soeur Margu'rite, où donc est-ell' fourrée ?
Ell' donn' quelqu' part à manger aux pourceaux.
Avec son homme est-ell' bien rencontrée ?
Met-elle toujours mes boeufs contre ses voeux ?
4. - Tes boeufs, mon gas, n'sont plus dans notre étable,
J'les ai vendus à des marchants manceaux ;
Mais, quand j'ai su qu'ils allaient à l'herbage,
Que j'ai pleuré ces pauvres animaux !
5. - V'z avez vendu ces p'tit bêt' si mignonnes.
Qui étaient si docil' comme un mur à l'ériau,
Et que j'aimais, bien sûr, mieux qu'des personnes ;
Que je regrett' mon chatin, mon Berniaux !
6. Je r'gard' partout et je n'vois point ma mère ;
A-t-ell' toujours ses grands maux d'estomac ?
A-t-ell' dans l'ventr' ses douleurs ordinaires ?
Quand y v'nait d'l'eau, ça m'servait d'almanach.
7. - Tiens ! N'm'en parl' pas, mon gas ! Ta pauvre mère,
J'crois bien qu'c'est ell' qui nous ruinera tous !
Tous les trois mois, j'vais chez l'apothicaire,
Et chaque fois, j'en rapport' pour trent' sous !
8. - Tiens ! V'là ma mère, ma soeur et l'gas Philippe,
Accourez donc, que j'vous embrasse un peu ;
Tiens, ma p'tit' soeur, arriv' donc que j'te frippe,
Depuis six mois, j'en ai si grand besoin.
9. - Ça t'a bien r'fait, cet état militaire ;
Quand tu partis, tu avais l'air d'un lourdaux ;
Et, à cette heur', tu caus' comme un notaire,
Ton père et moi, nous en restons badauds.