1. Avez-vous vu, dans l'Assomoir,
Un garçon qui s'appell' Mes-Bottes ?
Son gosier, c'est un entonnoir,
Où vont s'abîmer les gib'lottes ;
C'est l'apôtre du fricandeau,
Quand il mange il voit tout en rose,
Il sourit d'vant un morceau d'veau,
Mais il demande avant tout' chose :
Oùsqu'est l'pain ?
Eh ! dis donc, ma vieill' branche,
J'en vois pas sur la planche
Et j'demande oùsqu'est l'pain ?
Oùsqu'est l'pain ?
Eh ! dis donc, ma vieill' branche,
J'en vois pas sur la planche
Et j'demande oùsqu'est l'pain ?
2. Un soir que Gavroche avait faim,
Il entra dans une boulange,
En demandant pour deux sous d'pain....
Dame, ici-bas, faut ben qu'on mange ;
Mais y avait plus rien à ronger,
Le pain s'vend, quand la viande est chère !
Lors, s'adressant au boulanger,
Gavroch' lui dit, d'un ton sévère :
3. À Paris, on rencontr' partoutr
Des dam's qui vont en équipage,
Avec des toilett's de haut goût,
Ça fait du chic et du tapage ;
Pendant quéqu' temps, ça va très bien,
On rit, on s'amuse, on s'promène,
On a tout, on n's'occup' de rien,
Mais, quand arriv' la cinquantaine !
4. Y en a qui font des embarras :
Ça n'peut pas manger sans serviette,
Ça commande un oeuf sur deux plats
Et trois cur'-dents sur une assiette :
Ça porte un lorgnon et des gants,
Ça vous fait la bouche en tir'lire,
Mais, comme il n'y a jamais rien d'dans,
On a toujours envi' d'leur dire :
5. Souvent on trouv' sur son chemin
Des prospectus et des affiches
Où l'on promet plus d'beurr' que d'pain
À ceux qui veul'nt devenir riches :
On promet cinquant'-cinq pour cent,
Plus un énorme dividende,
Mais, quand on a versé l'argent,
Eh ben, alors, chacun s'demande.
6. En France, on s'arrange à son goût
Aujourd'hui, la chose est pratique,
Chacun vit comme il veut, surtout,
Depuis qu'nous somm's en République.
Espérons qu'ça dur'ra longtemps
Et que, dans l'intérêt d'tout l'monde,
Nous n'sommes pas près de r'voir le temps
Où chacun d'mandait à la ronde :