1. Malgré que j'soye un roturier,
Le dernier des fils d'un Poirier
D'la ru' Berthe,
Depuis les temps les plus anciens
Nous habitons tous, moi z-et les miens,
À Montmertre.
2. L'an mil-huit-cent-soixante et dix,
Mon papa qu'odirait l'trois six
Et la verte,
Est mort à quarante et sept ans
C'qui fait qu'i r'pose d'puis longtemps,
À Montmertre.
3. Deux ou trois ans après je fis,
C'qui peut s'app'ler pour un bon fils,
Un' rid' perte :
Un soir, su' l'booule'vard Rochechouart,
Ma pauv' maman se laissait choir,
À Montmertre.
4. Je n'fus pas très heureux, depuis,
J'ai bien souvent passer mes nuits
Sous couverte,
Et, bien souvent, quand j'avais faim,
J'ai pas toujours mangé de pain
À Montmertre.
5. Mais on était chouette, en c'temps là,
On n'sacrécoeurait pas sur la
Butte déserte,
Et j'faisait la cour à Nini,
Nini qui voulait fair' son nid
À Montmertre.
6. Un soir d'automne, à c'qui paraît,
Pendant qu'la vieill' butte r'tirait
Sa rob' verte,
Nous nous épuisions, dans les foins,
Sans mair', sans noce et sans témoins
À Montmertre.
7. Depuis nous avons des marmots :
Des p'tit's jumelles, des p'tits jumeaux
Qui f'ront, certe,
Des p'tits Poirier qui grandiront,
Qui produiront et qui mourront
À Montmertre.
8. Malgré que j'soye un roturier,
Le dernier des fils d'un Poirier
D'la ru' Berthe,
Depuis les temps les plus anciens
Nous habitons, moi-z-et les miens,
À Montmertre.