1. Ah vous dirai-je, papa,
Comme hier on me tapa.
Me connaissant un coeur tendre
Quel piège on osa me tendre
Il faut avoir du guignon
Plaignez-moi, papa mignon !
2. De chacun de nos aïeux
J'ai lu les faits glorieux :
L'amour fut de la famille
La plus mince peccadille...
Et pour en avoir tâté,
Voilà Fanfan éreinté !
3. Dans un borgne cabaret
Longtemps je tins en arrêt
Une charmante vilaine
De graisse et de grâce pleine...
Et tout bas je murmurais :
« J'entrerai dans tes secrets. »
4. Je me décide à la fin :
Mon piqueur, adroit et fin,
Par mon ordre s'insinue
Auprès de mon ingénue.
Puis, de prime-abord comblé,
Pour le soir obtient sa clé.
5. Armé de ce fer vainqueur,
Je pénètre jusqu'au coeur
Au coeur de la citadelle,
Sans escorte ni chandelle.
Et, comme un vaillant soudard
J'y plante mon étendard.
6. Ma prise dut me ravir
J'étais à la parcourir
Quand je reçois sur l'échine
Un noueux bâton d'épine
Dont les attouchements drus
Troublent les miens en intrus.
7. Je me nomme tout tremblant
On répond en redoublant :
« Je te connais, mon bel homme !
Voilà pourquoi je t'assomme :
Oui, Fanfan doit mieux payer
Ses plaisirs qu'un roturier. »
8. Papa, vous êtes instruit
De mon oeuvre et de son fruit :
Vengez un fils doux et tendre
Du piège qu'on sur lui tendre.
Si vous plaignez mon guignon,
Vengez-moi, papa mignon.
