C'est à l'invention naturelle et spontanée de poètes anonymes,
que nous devons ces chants rustiques, imprégnés d'une délicieuse saveur locale et d'une naïveté
qui demeure inimitable.
Notre rôle s'est borné à recueillir quelques-uns de ces vieilles
chansons, pour les préserver de l'hérésie que commettent certains notateurs en les arrangeant et
en substituant de mauvairs vers aux humbles paroles qui accompagnent ces chants et qui en font
tout le charme.
Ces Pastorales qui n'ont rien d'un genre que l'on est
convenu d'appeler ainsi en Littérature, sont souvent très frustes et d'un relief parfois brutal.
Il leur manque évidemment l'esprit de mesure et la grâce dont les eut accompagnées un héllène qui
comme Théocrite aurait eu besoin de chercher hors des voies de l'Art pur, une source où rajouenir
son talent et renouveler son imagination épuisée. Telles elles ont jailli de l'inspiration du
peuple, telles nous les donnons. C'est un bouquet de fleurs des champs épanouies en terroir berriaud.
Je les y ai cueillies ; Je vous les offres avant quelles ne soient foulées au pieds ou dispersées au
vent de l'oubli.
20 partitions
Dans son ouvrage, en deux parties, Hugues Lapaire développe d'abord les
thèmes chers aux chansons du Berry :
I. Le briolage
II. Les "ronds" et les "dardelantes"
III. Les chansons de bergères
IV. Les chansons de conscrits
V. Les chanosns de noces
VI. Les chansons de métiers
VII. Les chansons de fêtes
Dans une seconde partie, il nous propose vingt chansons du Berry,
recueillis auprès de différentes personnes et harmonisées pour le piano. Plusieurs de ces chants
sont déjà présent sur le site dans des versions souvent très proches.
1. La bergère aux champs
2. Faut-il êt' si près d'un rosier
3. Le fendeur
4. La fille d'un Prince
5. Voilà six mois que c'était le printemps
6. La Belle Angélique
7. La Promise
8. Le Retour du Conscrit
9. Ohé ! Oho !
10. Le Gars brûlant
11. La Chanson du Grenadier
12. Marche des gars de La Châtre
13. Le Jeune volontaire
14. La Demande en mariage
15. Les pleunes de Boeuf
16. La Servante qui veut se faire aussi belle que sa Dame
17. Le cornemuseux d'marmiguol
18. La Trene Garelle
19. Vive le vin !
20. Noël !
Le Briolage
Hugues Lapaire tente de nous faire saisir l'essence du briolage, ces chants
de laboureur du Berry. Ce texte est passionnant car il pose de nombreuses questions sur le collectage, la
notation et le devenir des chants traditionnels et ces interrogations n'ont pas changé en cent ans.
L'origine du chant populaire est inconstestablement "comme toute musique du reste, écrit le maître
Vindent d'Indy, d'essence religieuse quant aux chants vraiment anciens. Car si le peuple n'est point
créateur, il est au contraire un merveilleux assimilateur. Les admirables monodies qu'on est convenu
de désigner sous le nom générique du chant grégorien ou plain-chant, le peuple de France les connaissait
par coeur, et c'était son aliment musical".[...]
Le chant le plus ancien, qui fut longtemps considéré comme sacré chez nous
et auquel on attribuait de mystérieuses influences, le chant le plus caractéristique du Berry, et en même
temps celui qui semble répondre le mieux à la définition que Vindent d'Indy nous a donné du chant populaire,
c'est assurément le briolage, "sorte de plain-chant, entrecouopé de cadences prolongé qui tantôt s'interrompent
brusquement et tantôt se terminent en sautant à l'octave par une note perçante et joyeuse." (Laisnel de la Salle,
Souvenirs du vieux temps).
George Sand le décrit ainsi : "Ce chant n'est à vrai dire qu'une sorte de récitatif
interrompu et repris à volonté. Sa forme irrégulière et ses intonations fausses selon les règles de l'art
musical le rendent intraduisible. Mais ce n'en est pas moins un beau chant, et tellement approprié à la
nature du travail qu'il accompagne, à l'allure du boeuf, au calme des lieux agrestes, à la simplicité des
hommes qui le disent, qu'aucun génie étranger au travail de la terre ne l'eut inventé et qu'aucun chanteur
autre qu'un fin laboureur de cette contrée ne saurait le redire."
Cela est si vrai que M. Julien Tiersot, dont la compétence ne saurait être
mise en doute et auquel le folklore français doit déjà tant pour la sauvegarde de nos chants populaires,
essaya de noter le briolage, crut l'avoir noté, alors qu'il n'avait recueilli qu'un chant barbare ne
ressemblant en rien à la mélodie tantôt grace et sentimentale, tantôt vibrante et triomphale du laboureur
berrichon.
D'ailleurs, ces recherches faites à travers les provinces pour sauvegarder
nos vieilles chansons n'ont malheureusemement donné, le plus souvent, que de médiocres résultats, pour la
simple raison que ceux qui les faisaient n'était pas des gens du pays. Evidemment, c'est une louable
entreprise que d'essayer de tirer de l'oubli nos belles chansons françaises, mais encore faut-il que ceux
qui s'en occupent soient bien qualifiés pour cela, car les difficultés sont innombrables.[...]
Le briolage ne peut se traduire. Ses trilles, ses vribrations qui semblent
glisser sur le corps des boeufs, qui les font frémir et s'allonger dans les sillons comme au passage d'une
caresse. Cette voix qui les excite au travail, les apaise et les charme, ce chant unique, échappe à la
science du notateur.
Le briolage égaye l'heure monotone des vieilles qui filent sur le seuil bleu
des chaumières et se répercute jusqu'au lointain des brandes où les bergères trompent l'ennui des solitudes
de cette cantilène qui est l'hymne de la terre, la prière des champs, l'âme du pays, le Berry tout
entier !
Ainsi que toutes les antiques et saines coutumes, le briolage se perd.
On se le transmet encore dans quelques familles patriarcales, mais les jeunes générations le délaissent
pour le stupide refrain du café-concert. On ne l'entend presque plus dans les champs.
Cependant, pour la Saint-Blaise, fête des agriculteurs de la Vallée
Noire, il semble renaître de ses cendres ! Ce jour-là, les trois statues de saint Blaise, saint Antoine
et de saint Vincent, patron des laboureurs, des éleveurs et des vignerons sont portées processionnellement
dans nos campagnes. Des paysans les précèdent avec le bâton enrubanné de leurs corporations, le drapeau des
conscrits et les bannières paroissiales. Une foule considérable de laboureurs et de vignerons les escortent,
marchant recueillis comme les paysans d'Athènes aux fêtes de l'Attique.
Le soir, le briolage prend son essor sous les solives enfumées des auberges
et ses mâles accents vibrent encore assez tard dans la nuit, berçant la petite ville de La Châtre, fidèle
gardienne des dernières traditions, endormie sous le clair de lune qui découpe sur le champs des étoiles,
les pignons pointus de ses vieilles maisons de bois.
Les "Ronds" et les "Dardelantes"
Jadis, entre l'Épiphanie et le mardi gras, on dansait et on chantait des
"ronds" en Berry. Voici le tableau que nous en a laissé M. Rollinat : "On se donnait la main ; les cavaliers,
autant que possible, alternaient avec les jeunes filles, les mères de famille et parfois les grand'mères qui n'étaient
pas les moins ardentes. Un chanteur lançait les couplets répétés en choeur par les gens de la ronde... et celle-ci
tournait, s'élargissait, se rétrécissait ; en cadence, les pieds frappaient le sol, les bras se balançaient et
la voix du chanteur montant dans la nuit."[...]
C'est incontestablement du briolage dont les vibtrations agrémentent la voix
pleine et sonore du laboureur que naquirent les "dardelantes". Toutefois, il ne faut pas confondre ces trémolos
avec une sorte de tyrolienne que les bergers se permettent quelquefois au refrain de certaines chansons en se
mettant le pouce sur la pomme d'Adam (le luteriau). Le pouce, en comprimant le laryns, fait trembler la voix qui
porte alors très loin.
La plupart de ces "dardelantes" sont des chansons de conscrits.
Les vieilles chansons populaires du Berry