1. Quand on arrive au régiment
On est bête, on est novice,
Mais on vous dégourdit rapid’ment
En vous f’sant fair’ de l'exercice.
Après six mois de ce travail là
On est heureux d'être soldat
Et le soir, en montant la faction
On fait ses p’tit’s réflexions.
Je ne devrais pas dire ça parce que c’est pas des p’tit’s réflexions qu’on fait, c’est des grandes ! Les factions … c'est très grave, c'est tout ! C'est la base de la force du machin de la solidité de l'édifice de l'armée française. Nos aïeux, les grenadiers de l'empire ont monté la faction sous le soleil de feu de la Russie, sur les sables brûlants de la Bérésina et sur les glaces de l'Egypte aux pieds des pyramides. Heureusement que nous c'est pas si loin qu'on va ! Oh ! non !
C'est derrièr’ la caserne
L’long d'un mur, dans un’ ru’ sans lanterne.
On n’y voit pas bien clair.
Ca fait rien, on est tout de même un peu fier.
Et, dans la nuit sereine,
Tranquill’ment, on s’promène
En portant son fusil,
Bien content de servir son pays
2. Tous les soldats d’mon régiment
Ont fait l’sacrific’ de leur vie,
Nous somm’s prêts à verser notre sang
Pour défendre la patrie.
Et ça fait un fameux branl’bas
Quand l’clairon sonn’ : tout l’monde en bas !
Du colon jusqu'au plus p’tit troupier
Subito tout est sur pieds.
Voui … On est bien en train de pioncer. Tout d’un coup on entend un bouzin de tous les diables … Les tambours sonnent … Les clairons battent … On se réveille en cerceau … On croit que c’est l’ennemi qui arrive … On s'habille à la va-vite … On fout le camp au pas gymnastique et quand on arrive dans les champs on s'aperçoit que c'est le colonel qui nous a fait une blague … Y a rien du tout ! Je dis : y a rien du tout … Si : y a nous quand on y est …
Alors pour passer le temps on joue à la petite guerre ... Qu’est ce que vous voulez, tout le monde peut pas aller au Tonkin, au Maroc ou à Madagascar pour défendre sa patrie … Oh … On la défend tout de même … Seulement voilà … Nous c’est …
3. Quand nous avons fini tout l’fourbi,
Le capitain’, comm’ récompense,
Nous donn’ la permission de la nuit.
De rentrer ça nous dispense.
C’est rien du tout qu'un bout de papier
Mais ça fait l’bonheur du troupier
Car avec cett’ petit’ permission
Nous allons où nous voulons.
Ca c'est vrai ! On va où on veut. Y en a qui sont riches, qui reçoivent des mandats tous les mois … des mandats de deux francs … même de trois francs ! (Oui, oui, oui, y en a des mandates de trois francs ! J’en ai vu !) Alors, ces rupins là, ils vont faire la bombe à la campagne avec leur connaissance. Y a des chics restaurant à la campagne ! Vous savez ben’ où qu’y a écrit : vins et liqueurs _ jardins et bosquets _ On peut apporter son manger … Chambres meublées … Sophas et canapés. Oui ? Eh bien, ils vont là-dedans ! Ah ! ils s’embêtent pas ceux-là. Oh ! C’est pas que je m’embête, moi, non !Je m’embête pas non plus, seulement c’est pas là que je peux emmener promener ma bonne amie ! Ca coute trop cher ! Moi …
C'est derrièr’ la caserne
Contre un mur, dans un’ ru’ sans lanterne,
On n’y voit pas bien clair.
Ca fait rien, on n’a pas besoin d’lumièr’,
Et dans la nuit sereine,
Tranquill’ment, en vu’ d'une guerr’ prochaine,
J’lui fais un p’tit conscrit,
C’est comm’ça que je sers mon pays.