1. A mon s'cours, mes enfants !
Rentrons ! Il est temps :
D'frayeur me v'la morte.
V'la Simon, not' grand gas,
Qui r'vient du trépas
Et nous tend les bras !
C'est bien lui, voyez-vous !
Sauvons-nous tretous !
Fermons bien la porte !
Toi, pour le renvoyer,
Prends vit' ton psautier,
Moi, not' bénitier !…
2. Le fils
— Pan ! pan! ouvrez-moi donc !
J'suis vot' gas Simon
Qui r'vient d'Angleterre.
Me trouvant mal là-bas,
Je r'viens à grands pas.
N'vous sauvez donc pas !
La mère
— C'n'est pas la vérité !
On m'a rapporté
Ton act' mortuaire.
C'qu'est écrit est écrit.
Mets-toi dans l'esprit
Qu't'es mort. C'est fini !
3. Le fils
— Je n'suis pas mort un brin,
Et je suis enfin
Ni r'venant, ni diable.
Avec vous sans tarder,
Pour vous rassurer,
J'vas boire et manger.
La mère
— Non va-t-en, mon enfant,
D'main tu s'ras content :
Car dès d'main, j'te l'jure,
Pour adoucir ton sort,
J'te f'rai dir' d'abord
Un service de mort.
4. Le fils
— Un servic' ! vous rêvez !
Ainsi vous m'prenez
Pour un autr', ma mère !
Je n'suis pas un r'venant,
J'suis vraiment vivant :
Simon, vot' enfant !
La mère
— Si c'est vrai qu't'es vivant,
Entre, mon enfant,
Viens donc t'mettre à table,
Manger et m'rassurer,
Car j'sais bien qu'là-bas
Les morts ne mang' pas !
5. Le fils
— M'voyant si mal reçu
Tout surpris j'ai cru
Qu'vous perdiez la tête.
Je n'savais pas pourquoi
J'vous voyais d'bonn' foi
Prier Dieu pour moi.
Là-d'sus j'm'en vas m'asseoir;
Bien heureux d'les voir
V'là que j'cass' la croûte;
Embrassez-moi tretous.
Mon Dieu, qu'il est doux
De m'voir avec vous !
6. La mère
— C'tour là, mon pauv' garçon,
Me donn' une leçon :
Je n's'rais plus si bête !
J'te promets, mon enfant,
Qu'je n'croirais maint'nant
Qu'aux r'venants vivants !
