Paroles
1. Il est un Dieu ; devant lui je m’incline,
Pauvre et content, sans lui demander rien.
De l’univers observant la machine,
J’y vois du mal, et n’aime que le bien.
Mais le plaisir à ma philosophie
Révèle assez des cieux intelligents.
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.
2. Dans ma retraite où l’on voit l’indigence,
Sans m’éveiller, assise à mon chevet,
Grâce aux amours, bercé par l’espérance,
D’un lit plus doux je rêve le duvet.
Aux dieux des cours qu’un autre sacrifie !
Moi, qui ne crois qu’à des dieux indulgents,
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.
3. Un conquérant, dans sa fortune altière,
Se fit un jeu des sceptres et des lois,
Et de ses pieds on peut voir la poussière
Empreinte encor sur le bandeau des rois.
Vous rampiez tous, ô rois qu’on déifie !
Moi, pour braver des maîtres exigeants,
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.
4. Dans nos palais, où, près de la Victoire,
Brillaient les arts, doux fruits des beaux climats,
J’ai vu du Nord les peuplades sans gloire
De leurs manteaux secouer les frimas.
Sur nos débris Albion nous défie ;
Mais les destins et les flots sont changeants :
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.
5. Quelle menace un prêtre fait entendre !
Nous touchons tous à nos derniers instants :
L’éternité va se faire comprendre ;
Tout va finir, l’univers et le temps.
Ô chérubins à la face bouffie,
Réveillez donc les morts peu diligents.
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.
6. Mais quelle erreur ! non, Dieu n’est point colère
S’il créa tout, à tout il sert d’appui :
Vins qu’il nous donne, amitié tutélaire,
Et vous, amours, qui créez après lui,
Prêtez un charme à ma philosophie
Pour dissiper des rêves affligeants.
Le verre en main, que chacun se confie
Au Dieu des bonnes gens.