Musique trop forte, normes et réalité
11 janvier 2015
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Jean-Baptiste
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Le bruit nous entoure, il est parfois source de véritable agression, c'est un fait mais cet article n'a pas
pour but de râler contre les nuisances sonores (même si j'ai un caractère à préférer le calme à l'agitation, le silence au bruit, la musique au
tintamarre), il a l'ambition de rappeler clairement les normes en la matière, de les confronter aux usages, de les comparer à ce qu'en pense
notre oreille.
Des normes existent
Autant, dans le bâtiment, les normes acoustiques (les nouvelles normes datent de 2012) sont drastiques et
relativement complexes à mettre en oeuvre, autant les normes pour protéger nos oreilles et notamment celles des plus jeunes sont extrêmement
laxistes, sous couvert de ne pas être liberticides.
Les salles de spectacle, concerts en extérieur, boîtes de nuit et dancing sont tous les quatre soumis aux
mêmes normes. Ces établissements ne doivent pas dépasser un seuil en crête de 120 dB. Qu'est-ce qu'une crête ? C'est le moment où la musique
est la plus forte : le climax, le coup de cymbale de fin de mesure... on leur demande également de ne pas dépasser 105 dB de moyenne. Pour
commencer, ces normes sont-elles respectées ? Je n'ai pas les moyens de faire une enquête sur le sujet et, qui me laisserait faire, sans accréditation ?
Je n'ai donc aucune raison de douter de cela. Ce que je sais, c'est que les contrôles sont rarissimes et souvent effectués à la demande de riverains.
Un dancing de campagne ou de zone commerciale ne risque donc pas grand chose et je sais ensuite que les amendes sont peu dissuasives et souvent
précédées d'un avertissement verbal. Pour un concert de rock ou heavy metal, les 105 dB sont très très vite atteints. Et les rave parties ?
Vous savez, ces concerts de musique techno, qui, quand ils sont sauvages, tiennent la police à l'écart, cette dernière préférant observer de loin et
faire de la prévention que d'intervenir (ce qui est sans doute la meilleure chose à faire, soit dit en passant). Lisez les réactions des habitants
des villages alentours qui n'en ferment pas l'oeil de la nuit, parfois à plusieurs kilomètres de l'épicentre ! Les pressions acoustiques peuvent
alors atteindre des chiffres effarants, que seules des personnes déjà à moitié sourdes peuvent supporter et pas un seul raveur ne pourra
espérer retrouver des oreilles intactes à la fin de la fête.
Une autre norme concerne les systèmes de son portables, les baladeurs (maintenant presque tous intégrés au téléphone
portable) équipés d'écouteurs ou de casques. La limite est fixée à 90 dB. Elle sera systématiquement respectée par le fabricant, qui lui risque très
gros mais... Eh oui, ce n'est pas si simple... Premièrement, l'appareil peut dans certains cas être débridé. Deuxièmement, le fichier son peut être
retouché pour être plus sonore. Troisièmement, il existe des applications spécialement faites pour augmenter artificiellement le volume (au détriment
de la qualité). Quatrièmement, l'usage d'écouteurs et non de casques atténue la sensation d'intensité sonore, ce qui pousse à augmenter le volume et
en outre, outrepasse la fonction de premier filtre du pavillon auditif.
Et notre santé ?
Dans tous les cas, toutes les normes du monde n'ont aucun effet réel si on ne les associe pas au temps
d'exposition. Les ORL et les associations, qui tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs dizaines d'années, appellent à ne jamais dépasser
la puissance sonore de 85 dB, pour commencer. Hum... Ne jamais dépasser du tout 85 dB ? Jusqu'à combien peut monter un concert ou une
discothèque, rappelez-moi ? 120 dB !!! Ah oui... Et permettez-moi de vous saoûler deux minutes avec des maths. Savez-vous que cette échelle
n'est pas linéaire mais logarythmique ? Pour faire court, 120 dB, c'est 8 fois plus fort que 90 dB. Nous voilà devant un joli paradoxe. Ce
serait comme dire officiellement : "telle dose de sel est très risquée pour vos artères, ne dépassez pas 8 fois cette dose, c'est plus prudent !"
Et intéressons-nous maintenant à la notion de temps d'exposition au bruit. A 85 dB, on estime qu'une heure d'écoute peut commencer d'entraîner
une perte d'audition, surtout si elle est répétée, jour après jour. À 105 dB, 4 minutes, c'est le maximum. À 120 DB, si vous voulez retrouver
des oreilles intactes, il ne faudra pas leur demander plus de quelques secondes de mobilisation.
Les solutions
Alors que faire ? Ne pas aller aux concerts ni en boîte de nuit ? Ne pas écouter de musique sur son baladeur ?
Non, je ne dirai pas ça. Pour commencer, à moins d'un mouvement de grève générale de tous les ORL de France, qui en ont assez de retrouver des
jeunes de 16 avec des oreilles de personnes âgées, il faut pas attendre une baisse drastique des normes en la matière. C'est le même problème
qu'avec la pollution automobile, les chiffres sont connus depuis des dizaines d'années, ils ne font que s'aggraver, on commence à peine à en parler
mais on ne fait rien ou si peu. C'est à nous de faire avec.
Des solutions simples existent : pour l'écoute de la musique à domicile, toujours voir s'il n'y a pas moyen de
passer par un ampli et deux enceintes plutôt qu'un baladeur et un casque. Pour ce dernier, ne jamais le mettre à fond et abandonner l'idée que l'on
peut l'écouter dans les transports en commun. Si le volume de la musique parvient à couvrir celui des conversations et le bruit des moteurs ou des
roues du métro, c'est qu'il est trop fort. C'est assez simple. Vous voulez tout de même l'écouter dans les transports en commun ? Très bien mais c'est
comme pour la cigarette et même pire, vous savez que chaque jour vous en demandez trop à vos oreilles et que vous perdez de vos facultés
d'audition. Si c'est un choix, je ne m'en mêle pas. J'ai plus de peine quand j'entends la musique d'un enfant de 14 ans assis à 8 mètres de moi
dans le bus ! Je me pose alors la question. Lui... a-t-il toutes les informations en sa possession ?
En concert, il y a la possibilité de choisir les emplacements les plus éloignés des enceintes. On peut aussi
envisager les bouchons d'oreille. De plus en plus d'organisateurs de concert en proposent à l'entrée. Certainement pour se donner bonne conscience.
Ne suffirait-il pas de baisser le volume général ? Oui mais pour ceux qui sont déjà à moitié sourds ? A pardon, je n'avais pas pensé à tout !
Je ne peux m'empêcher de comparer cette façon de faire à un fabriquant de pesticides qui donnerait des petits sacs aux agriculteurs en cas de
vomissement.
Pour les boîtes de nuit, il faut être honnête, personne ne vient dans ce genre de lieu avec des bouchons. Dans tous
les cas, les oreilles seront mises à mal. Il faut en passer par là ; interdire la discothèque à un ado lui fera sans doute plus de tort que de
bien. Mais tout de même, les solutions pratiques existent : là encore, s'éloigner des enceintes, c'est essentiel et également une possibilité qui
n'était pas offerte pendant les concerts : faire des pauses. D'ailleurs, tout naturellement, nombreux sont ceux qui font des pauses en discothèque.
Les fumeurs, qui se donnent rendez-vous à l'entrée, épargnent un peu plus que les autres leurs oreilles. Et ce n'est peut-être pas un hasard s'il y a
tant de monde dans les toilettes de ce genre de lieux (En tout cas, c'était le cas dans mes années discothèque...)
Où en êtes-vous, vous-même ? Et vos enfants ?
Pour en savoir plus
Je vous conseille de surfer sur deux sites spécialisés dans les dangers pour l'oreille des bruits trop forts. Ils m'ont
servi de sources pour la rédaction de cet article :
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Nos oreilles, on y tient, qui vous propose dès la page d'accueil un
graphique de l'échelle des décibels, classés en : calme, agréable, supportable, fatigant, pénible, risqué et douloureux. Vous verrez qu'on arrive
très vite à pénible. Quand le pénible devient supportable, le mal est déjà fait...
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Écoute ton oreille, qui nous dit tout sur l'organe de l'audition, divisée en oreille
externe, moyenne et interne. C'est dans cette dernière que tout se passe. Ce collectif revient sur les signes d'alerte, les troubles et le brtuit au
quotidien.
Vidéos
Deux vidéos de l'excellente émission, C'est pas sorcier, désormais disponible légalement sur Youtube. De deux façons
différentes, Fred et Jamy reviennent, eux-aussi sur les dangers du son, abordent la question de la surdité et dans le deuxième des risques majeurs encourus
par les musiciens :