Ma formation I.U.F.M
15 octobre 2014
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Jean-Baptiste
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Sur mon premier site internet, j'avais une section "qui suis-je" avec un pseudo curriculum
vitae sur lequel on pouvait lire : "2000-2001 : Formation I.U.F.M à Reims, Si vous voulez savoir comment ça c'est passé,
écrivez-moi". Mon ancien conseiller pédagogique m'avait alors écrit qu'il trouvait dommage que je règle mes comptes en
public". Je pense qu'il avait raison. C'est pourquoi je ne vais pas régler mes comptes en public mais vous exposer des faits,
rien que des faits. Je vous raconter la formation la plus pitoyable qui soit. Mais je vous laisse vous faire votre opinion.
À cause de mauvais résultats au Capes, je n'ai pas pu rester dans l'académie de Dijon où
j'avais fait mes études, je n'ai pas pu non plus aller dans les académies de Paris ou Créteil que j'avais demandées, j'ai
été envoyé dans l'académie de Reims, déficitaire cette année-là. Ce que j'ai trouvé très difficile, c'est de n'avoir aucune
information. Strictement, rien. C'est un site internet qui m'a signalé cet unique vocable : "REIMS" sans rien d'autre. À l'époque,
les sites internet des I.U.F.M n'existaient pas, tous les personnels compétents étaient en vacances... J'ai dû rassembler des
informations éparses pour arriver à comprendre qu'il y aurait la majorité des cours dans la Marne, à Reims (jusqu'ici pas de problème),
des cours à Châlons-en-Champagne (45 kilomètres, si ce n'est pas tous les jours, d'accord), des cours en collège dans un des quatre
départements (Aïe ! c'est qu'elle est grande l'académie), des formations d'ordre général dans la préfecture de mon département d'affection
(pourvu que je sois dans la Marne...) et un conseiller pédagogique à aller voir le plus possible (souvent dans le même établissement, si
ce n'est pas possible, dans la même ville).
Je reçois par courrier la liste des établissements qui accueilleront des stagiaires. Il n'y en a
que quatre dans la Marne et j'ai appris qu'il y avait quatre stagiaires prioritaires car ils avaient passé leur capes à Reims.
J'entre donc des noms de collèges, pas trop loin de Reims, la ville centrale où il me paraît normal d'aller habiter, par ordre de
préférence. Je me souviens que nous avions juste quelques jours pour faire notre choix avant de renvoyer le document signé. L'affectation
me sera connue très tard et me laissera une semaine seulement pour trouver un appartement, faire mes cartons et déménager. Je suis affecté
dans la ville de Buzancy, dans les Ardennes à 80 kilomètres de Reims. De ce collège de campagne, je n'ai pas grand chose à
dire, il était très bien. Bien dirigé, des collègues sympas, emploi du temps sur une seule journée, des élèves agréables dans l'ensemble.
Ce n'était la faute de personne si je devais mettre mon réveil avant le lever du soleil pour faire de nombreux kilomètres sur des routes
gelées six mois par an où l'on ne croise que des camions et des tracteurs. Arrive le jour de la rentrée I.U.F.M, à 9 heures du matin, à 10 minutes
de chez moi, je ne me plaignais pas.
Le premier cours a été à l'image de l'année entière :
- Nous allons parler du premier jour au collège et je vais vous donner des outils pour votre première heure de cours.
- Mais madame, nous avons déjà presque tous fait notre rentrée au collège, hier ou avant-hier !
- (longue pause)... Ah... Ce n'est pas grave, on va le faire quand même et ça servira pour les prochaines années.
En novembre :
- Nous allons parler aujourd'hui des conseils de classe.
- Mais madame, nous avons presque tous déjà fait un ou deux conseils de classe !
Je cite de mémoire un début de cours de juin :
- Je ne vous ai pas parlé du bac musique avant parce qu'il y a très peu de chances que vous soyez convoqués pour le faire
passer mais comme vous pourriez être convoqué quand même, je vais en parler un peu aujourd'hui.
Nous n'avons pas touché une partition, pas évoqué la moindre séquence, presque pas écouté de musique.
Pendant ces cours, c'est bien simple, il ne se passait... rien, à la seule exception des quelques débats que nous démarrions et animions
nous-mêmes.
Le deuxième professeur de l'I.U.F.M de Reims était un beau parleur, en place depuis longtemps dans le meilleur
collège/lycée du centre ville de Reims qui ne voulait pas entendre parler de discipline parce qu'il n'était pas là pour ça (du coup personne n'était
là pour ça non plus). Qui nous a tenu la jambe pendant 3 mois à nous parler de Cosi fan tutte qui passait à l'opéra de Reims cette année et où
il allait emmener ses classes. Je crois lui avoir signifié mon désaccord, une fois (les souvenirs sont flous) mais ensuite, lorsque je levais
la main, il s'arrangeait pour que le cours file avant que j'ai eu l'occasion de poser ma question. Tous ces cours étaient bien sûr obligatoires sous
peine de retenue sur salaire.
Trois cours, donnés par une orthophoniste, m'ont vraiment aidé et laissé une forte impression. Cette
femme était plus critique sur notre formation et la formation des enseignants en général que je ne le suis dans cet article. Elle avait de la
peine pour nous et pour les élèves. Je me souviens que lors du dernier cours, je lui ai posé la question de l'apprentissage avec un grand
A, m'étonnant de ne pas avoir le moindre cours de psychologie cognitive ou même si le mot fait peur, des cours sur le cerveau, sur
l'intelligence (les intelligences), sur la mémoire, sur les meilleures façons d'apprendre et de faire apprendre... elle a posé ses notes,
nous a fait part de son étonnement à elle-aussi et nous avons passé le reste de l'heure (une heure trop courte) à développer ce sujet. Je
suis sorti de là avec l'impression d'avoir eu mon premier cours de l'année.
Les déplacements à Châlons-en-Champagne ne me pesaient pas car ils n'étaient pas très nombreux et les cours
étaient cette fois beaucoup plus cohérents. Disons qu'il y avait quelqu'un en face de nous pour écouter et pour nous parler de notre métier.
Il y avait un piano, de la chanson, des conseils... Rien de transcendant mais je n'en demandais pas vraiment plus. Je n'attendais pas de tous
mes professeurs qu'ils soient LE prof génial qui laisse une impression extraordinaire et indélébile.
On m'avait choisi un conseiller pédagogique qui travaillait en Haute-Marne, à 120 kilomètres de mon domicile
et à 180 km de mon collège. Qui prend ce genre de décision ? Personne n'en sait jamais rien, ainsi personne n'a à s'expliquer sur rien, c'est
formidable. Je suis allé le voir une fois. J'y ai vu un prof très gentil qui faisait ce qu'il pouvait dans des classes difficiles. Il est lui-même venu
me voir une seule fois, au lieu des trois obligatoires. Dans la case "Progrès réalisés" de l'évalution du stagiaire, il a bidouillé quelque chose de
pas trop méchant, c'était très bien comme ça.
Les déplacements les plus difficiles à supporter me menaient dans la banlieue de Charleville-Mézières, pour les
cours généralistes, c'est à dire les cours non musicaux. Là encore... rien... Les professeurs volontaires pouvaient venir donner des cours mais
n'avaient pas la moindre consigne et ils ne nous apportaient rien. Certains essayaient, on le voyait bien, ils étaient tristes de ne pas
parvenir à nous aider. D'autres n'essayaient même pas. Ils venaient sans doute dans ces murs pour échapper à leur grisaille quotidienne.
En dehors des ateliers dans lequels le temps semblait s'être arrêté (avec une ou deux exceptions), il y avait des espaces de discussion. Je
vous retranscris une discussion type telle qu'on pouvait en avoir au début de l'année, quand nous n'avions pas encore compris où nous étions :
- Quelqu'un voudrait-il partager quelque chose ?
- Oui. Je voudrais dire que c'est parfois difficile l'enseignement et que je me sens impuissant face à certains problèmes de discipline.
- Bien... bien... quelqu'un d'autre ?
On peut penser que j'exagère et pourtant... je suis même en dessous de la vérité. Parfois nous étions avec
deux professeurs pendant une heure où l'un des deux ne prenaient pas une seule fois la parole... Le gros point positif de ces formations
était la rencontre avec les stagiaires des autres disciplines. L'académie rassemblait des professeurs stagiaires de toute la France qui se
débattaient dans les mêmes difficultés, sans trouver de réponse.
Ce n'était pas l'idéal de rentrer dans le métier dans une académie non choisie et tant de kilomètres
à faire mais ce n'était pas le plus difficile, vraiment. J'étais un grand garçon, ça je pouvais le supporter sans problème. Quelques
problèmes de discipline ? Ok, c'est le métier qui rentre, j'en verrai d'autres. Non, ce qui était vraiment trop lourd, c'était de se
lever deux ou trois fois par semaine pour aller écouter des personnes que je ne respectais pas, qui ne se respectaient pas elles-mêmes,
d'ailleurs et qui me donnaient l'impression de ne pas avoir vraiment vécu, l'espace d'une journée...