La discipline en cours de musique
14 janvier 2015
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Jean-Baptiste
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Tous les collègues d'éducation musicale en France vous le diront. La réaction d'un inconnu qui découvre
notre métier est rarement neutre et certaines phrases reviennent plus que d'autres : "Qu'est-ce qu'on a pu foutre le bazar en cours de
musique !", "Ah ! j'adorais la musique, moi, par contre c'était le boxon !", "Ça doit être difficile la discipline avec une matière
secondaire" et autres variations du genre... Appelez la musique au collège ce que voulez : matière non représentée au brevet, matière
pas importante, matière secondaire mais je vous prie d'arrêter de croire que parce qu'on ne voit les élèves qu'une heure par semaine et qu'on ne
peut pas dire des phrases comme "Attention, c'est très important pour le brevet", on est forcément bordélisé. C'est même bien parfois
l'inverse.
Les notes
Êtes-vous de ceux qui pensez que parce que la musique n'est pas une matière du brevet, les élèves ne vont
pas chercher à avoir une bonne note ? Cela n'a strictement rien à voir. Prenez un élève qui a des difficultés en mathématique, qui n'est
pas sûr de lui et dites-lui quelque chose qui reviendra, pour lui, à : Tu ne devrais pas avoir des difficultés en mathématique. Que se
passe-t-il dans son inconscient ? Un refoulement de base. La matière qui le met en échec devient alors "pas importante", c'est une
manière de survivre pour lui. En découlent découragement, inappétence puis agressivité. En passant, remplacer les notes par des couleurs,
des bonshommes ou des "acquis", "non acquis", c'est prendre le problème de travers, c'est passer à côté de la vraie question. Quelle
est la vraie question ? Un élève a-t-il le droit d'être mauvais quelles que soient les raisons sans avoir à souffrir ? Je ne rentre pas
plus dans le débat, principalement par peur de manquer de crédibilité.
Et alors en musique ? En musique, il est beaucoup plus facile de
toujours repartir à zéro et de trouver des qualités à chacun, de trouver de quoi encourager, de noter de petits progrès. Et je le répète :
c'est à ça que cette matière doit servir, au delà des programmes qui cherchent surtout à donner une crédibilité à la matière. Mais elle
n'a pas besoin d'une crédibilité théorique, en passant, parfaitement imbuvable. Elle n'a pas besoin de ressembler aux autres matières. Elle
a surtout besoin qu'on lui foute la paix et qu'on laisse les professeurs faire ce qu'ils savent faire : de la musique, avec les élèves.
Je vous assure que c'est beau à voir, un élève en difficulté, qui sort de cours avec un sourire parce qu'il
a eu sa première bonne note de la semaine. Comment a-t-il fait ? A-t-il un don en musique ? Le professeur fait-il de la démagogie ? Rien
de tout cela mais l'élève en confiance a tenu à progresser et le professeur en a tenu compte dans la notation sans que personne ne trouve
rien à dire. C'est ce qui peut le raccrocher petit à petit à sa scolarité ou même juste qui peut lui éviter d'en être dégoûté trop tôt. Et
c'est tout aussi beau de voir une classe de très bons élèves se motiver tous ensemble pour se débarrasser du tout petit défaut qui leur avait
valu un 19/20 en note collective et espérer un 20/20. Pas importantes les notes ? Tout ceci est très relatif.
Se détendre avant tout
En mathématique, en français, en histoire, en anglais, en techno ou en musique, les élèves ont tous besoin de
se sentir en confiance, de ne pas se sentir jugés et donc dépréciés. J'ai souvent entendu cette phrase "Mais on n'est pas des psy !". Je suis
tout à fait d'accord. Il n'est absolument pas utile d'aller chercher très loin dans la connaissance du passé des élèves, nous n'avons pas le
temps pour ça. Mais être prof ce n'est pas faire de la psychologie, c'est ne pas oublier que chaque élève est différent et qu'à l'école, au
collège, la psychologie de l'élève
est à bloc et qu'il passe par mille émotions dans une journée de cours. Peut-être aurez-vous envie de me dire : "Alors on ne peut pas dire à
un élève qu'on n'est pas d'accord avec son comportement, avec sa façon de travailler ou de ne pas travailler ?" Bien sûr que si. L'élève n'a pas
joué son rôle d'élève ? Le rôle du prof est de punir. La punition est faite, le compte est soldé, nous n'en parlons plus. Et je ne dis pas que
ce travail est facile et encore moins que j'étais moi-même dans la réussite semaine après semaine, je propose juste de voir si on ne peut pas
considérer un élève en difficulté (encore une fois quelles que soient les raisons), moins comme un emmerdeur que comme un challenge, sans se
fixer d'objectifs impossibles.
J'utilise pour cela un dernier exemple : Un élève de sixième ne sait pas utiliser la majuscule et la ponctuation.
Nous sommes d'accord, ces compétences sont indispensables et elles rentrent de le programme de primaire et pas collège. Mais qu'est-ce que je fais
avec ça ?
Le premier choix rendra tout le monde malheureux car il entraîne une chaîne de pensées et de réactions négatives : "Cet élève DEVRAIT savoir
faire. Point.". Il existe un deuxième choix qui détendra tout le monde : "Il ne sait pas faire, d'accord. Je vais l'y aider dans la mesure de mon
temps disponible (qui n'est pas extensible à l'infini, il faut bien le reconnaître), remarquer les majuscules qui n'ont pas été oubliées, et je
vais me fixer un objectif réaliste avec lui et tant pis si le niveau proposé par les programmes n'est pas atteint".