Guitariste professionnel
23 novembre 2014
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Jean-Baptiste
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Tu as 45 ans, à quel âge as-tu commencé la guitare ?
J’ai commencé la guitare à 11 ans, par amour… pour une fille, une demoiselle qui me plaisait bien et qui allait
au cours de guitare. J’avais envie de passer du temps avec elle alors je me suis inscrit moi-aussi. Le prof était issu du classique mais il nous
proposait guitare folk et guitare classique. Mais il a dû partir avant la fin de l’année. Je me suis retrouvé avec la guitare et les méthodes à
la maison mais pas de professeur. Je n’avais pas envie de lâcher, la petite copine me plaisait toujours bien et j’avais envie de l’impressionner,
j’ai continué tout seul.
As-tu retrouvé un professeur plus tard ?
Non. Pas pendant des années. De l’âge de 11 ans jusqu’à l’âge de 25 ans, je me suis démerdé tout seul à jouer avec
les copains, à multiplier les expériences. On se retrouvait à la maison les samedis après-midi, on formait des groupes. On partageait, on progressait
ensemble. Pas d’internet, pas de youtube à l’époque ; chacun montrait ce qu’il avait appris.
Tu es un vrai autodidacte, en fait ?
Complètement autodidacte. À partir de 25 ans, je suis parti faire une école de musique à Valenciennes et à ce moment-là,
j’ai mis un nom sur tout ce que je savais déjà faire.
As-tu fait des études après le bac ?
Oui, mais toutes avortées. J’étais inscrit en première année de médecine mais je ne me suis pas présenté au concours.
J’avais envie ensuite de devenir pilote d’avion sanitaire pour le SAMU. J’étais pion dans un collège à l’époque et j’ai passé mes brevets de pilote,
tout en continuant la musique pour gagner des sous. Le contexte financier n’était pas très bon. La musique, c’est ce qui me nourrissait (à l’époque, ça
payait bien), donc j’ai abandonné toutes mes études, je n’ai aucun diplôme pour faire de la musique.
À partir de quel âge as-tu vraiment été professionnel ?
J’étais déjà intermittent du spectacle à partir de l’âge de 20 ans. Il y a eu ensuite des périodes où je me suis mis à
mon compte à cause des rumeurs qui disaient que le statut allait être supprimé (mais ça ne me convenait pas) mais pour ensuite redevenir intermittent.
Mais c’est bien à partir de 20 ans que la musique a vraiment commencé à me nourrir.
Es-tu spécialisé dans un style de musique particulier ?
Je suis assez malléable à tout. Je ne joue pas de jazz. Ce n’est pas que le n’aime pas le jazz mais il y a d’autres gens
qui le jouent mieux que moi et plutôt que d’aller me produire sur une musique que je ne sais pas bien faire, je préfère m’abstenir. Moi c’est plus le côté
rock, pop, chanson de variété, folk, même les musiques traditionnelles parce que ça, par contre, je l’ai travaillé, traditionnel irlandais et même des
musiques orientales.
Participes-tu à des festivals ?
Tout le temps. Pas plus tard que la semaine dernière, on était à un festival qui s’appelle Les oreilles en pointe, qui
existe depuis 24 ans maintenant, qui est sur Saint-Etienne. C’est un festival qui s’étale sur trois semaines, trois jours par semaine. Dans les
programmations il y avait Michel Fugain, Linda Lemay, Nosfell… des choses assez éclectiques, des gens en découvrance comme des têtes d’affiche.
Tes cachets de guitariste t’apportent-ils un revenu suffisant pour vivre ?
En faisant le choix d’habiter en province, à Romans-sur-Isère, j’ai fait le choix de la famille, de me poser, de voir
grandir les enfants mais la zone est un peu calme et n’offre pas énormément d’opportunités. Si j’étais à Paris, je pense que ce serait possible mais ici
je donne des cours pour compléter.
Aimes-tu donner des cours ?
J’adore ! On ne parle même pas de prof et d’élève. Il y a une interaction qui se fait entre deux amoureux de l’instrument.
On échange des choses. Ça me fait travailler, ça me fait grandir aussi. Les gamins, ils arrivent en disant : « Tiens, je voudrais travailler tel morceau. »
On va chercher sur Youtube, on écoute et je découvre un univers musical vers lequel je ne serais pas forcément allé et je dis que c’est pas mal. C’est une
ouverture d’esprit. Je pense que la partie enseignement, je la garderai toujours parce qu’elle est super importante pour l’ouverture.
Moi je fais des cours d’une heure, le format me semble intéressant sauf pour les plus petits, qui ont une concentration
limitée. Encore que tout dépend de la motivation.
Là, j’ai un gamin qui est passionné. Il a 11 ans et il est fan de John Butler, le guitariste australien qui joue tout en
open tuning, musique de surfeurs, des trucs comme ça, super guitariste. La guitare n’est jamais accordée deux fois pareil. Le gamin rêvait de rencontrer
son idole. Ils ont écrit un courrier, avec son père, ils lui ont envoyé et la production qui faisait venir John Butler en France, au Bataclan, en juin
2014 a invité mon petit élève à assister à un moment privé avant le concert. Jules a commencé à jouer, John Butler a fait arrêter tous les musiciens et
tous les gens se sont mis autour de lui et ont fait des vidéos. Un élève comme ça te demande toi de te dépasser pour pouvoir le former, c’est
passionnant ! Ça vaut tout l’or du monde.
En tant qu’intermittent ou en tant que prof, connais-tu actuellement un effet crise ?
Oui. Quotidiennement et à plusieurs niveaux.
- Déjà les gens qui veulent nous faire jouer à un prix… même la caissière de supermarché gagne mieux que nous. Faut pas déconner !
- Les cotisations et les charges augmentent chaque année. Nos salaires baissent. Nous, on ne parle même pas d’avoir des salaires gelés, les salaires
baissent outrancièrement !
- Pour les cours, tout a baissé également.
Avec quel matériel joues-tu ?
J’ai du matériel standard. Gipson, Fender, ampli Fender, des petites pédales à effet, une guitare acoustique Franck
Cheval, un Dobro. Sobriété. Facile à transporter, on se fait vieux, c’est lourd tout ça !
Avec quelles célébrités as-tu été amené à travailler ?
En vrac. Pendant longtemps au niveau des rencontres Astafort, il y a eu Francis Cabrel, qui est maintenant un ami. Sur
des plateaux, il y a eu Michel Fugain, Olivia Ruiz, Zazie, Axel Bauer, Calogéro, Clémence Saint-Preux, la fille de Saint-Preux qui a écrit Concerto
pour une voix. J’ai fait des bœufs avec Jean-Jacques Goldman. J’ai beaucoup joué avec Michael Johns… Voilà pour les principaux, je n’ai pas forcément
la liste en tête.
Sur scène avec Cabrel ou d’autres, joues-tu par cœur ?
Généralement, oui, je pars avec Cabrel sur la Dame de Haute Savoie ou Sarbacane. Pour d’autres artistes, moins connus,
des remplacements ou autres, on peut avoir une petite partoche discrète.
T’est-il déjà arrivé de mettre un gros pain en concert ?
Oui, un petit. Tout ce qu’il faut c’est broder autour et ne pas s’y arrêter. Il faut poinçonner. Ça arrive aux plus
grands. Richard Galiano disait quand dans le jazz il n’y a pas de fausse note, tout est une approche. J’essaie de voir les choses comme ça. De temps en
temps, je fais une note jazz, je fais une approche. On n’est jamais à l’abri du petit pain.
Dans tout ce que tu fais, que préfères-tu ?
Bosser avec des gens qui composent et les salles moyennes, genre le Train-Théâtre à Portes-les-Valence. Pas les salles où
tu es trop proche du public et tu en viens même à entendre leurs conversations. Tu es dans un bar, tu es sur une chanson super intimiste avec un chanteur
qui parle de sa vie et tu entends : « Le Tariquet, c’est trois euros ! », ça honnêtement, ça me gêne. Les salles trop grandes, dans un sens, c’est bien,
tu as du speed, tu as du stress, une certaine adrénaline qui monte mais ce n’est pas ce que je préfère le plus. Avec une salle moyenne, tu es plus
authentique, tu vois plus les gens, la réaction est autre. Sur un festival country, l’année dernière, j’étais sur la plus grande scène que j’ai jamais
vue, elle faisait 30x20 m. C’est bien mais tu es trop loin des gens, tu ne partages rien, c’est plus impersonnel.
As-tu des projets pour l’avenir ?
Le nouvel album de ma sœur Myriam Kastner, quand elle aura accouché. J’ai des remplacements qui doivent se faire à Paris
avec des grands artistes mais je n’en parle pas trop parce que chaque fois que j’en parle à l’avance, ça ne se fait pas. Je suis prudent.
Regrettes-tu parfois ton choix de carrière ?
Je n’ai aucun regret. Si je devais refaire les choses je les referai peut-être différemment, mais ce serait toujours
avec la guitare.
Merci Edgar.