Facteur de guitares
20 novembre 2014
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Jean-Baptiste
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Le terme "luthier" est-il bien adapté à ton métier ?
Le vrai terme est "facteur de guitares" mais on peut dire "luthier guitares" aussi même si c'est plus
adapté aux instruments du quatuor à cordes en général.
Quelles types de guitare fabriques-tu ?
Quand je me suis installé, je suis surtout spécialisé dans les guitares folk, c'est la guitare que je jouais
mais j'ai aussi fabriqué quelques guitares classiques. Dernièrement, j'ai fabriqué deux guitares Archtop, des guitares jazz en collaboration
avec un ami luthier. C'est ce que j'aime dans ce métier. J'aime continuer d'apprendre, j'aime la nouveauté.
Je vois quelques guitares électriques suspendues ?
Ce sont des réparations. Je pourrais faire des guitares électriques sauf que l'électronique, ce n'est pas mon
truc et il faudrait que je fasse travailler quelqu'un d'autre.
Quand as-tu décidé de devenir facteur de guitare ?
J'ai arrêté mes études en cours de lycée et je me retrouvais un peu sans solution. Mon amour de l'instrument
et des rencontres, comme
Franck Cheval, à Romans, chez qui j'ai fait un stage,
m'ont donné envie de trouver une formation pour faire ce métier. J'ai fait cette formation entre 1994 et 1996 et je me suis installé en 2000
à mon compte. Entre les deux, je suis resté en phase de recherche.
Quelle est cette formation ?
L'école s'appelle l'ITEMM, Institut technlogique européen des métiers de la musique. C'est un CAP en apprentissage
d'une durée de deux ans.
Es-tu guitariste toi-même ?
Je suis guitariste amateur seulement ; je ne lis pas la musique, par exemple.
Après l'école, as-tu rapidement trouvé tes premiers clients ?
Non, c'était plutôt long. J'ai créé un site internet et surtout je tenais des stands de démonstration à droite à
gauche pour me faire connaître. Je faisais pas mal de réparations et de réglages de guitares. Au bout de deux ans, je n'avais encore que trois
commandes par an et je vendais trois guitares dans les salons à un prix bradé. Je dirais qu'il m'a fallu huit ans pour que l'activité démarre
réellement.
Et maintenant tout roule ?
Je n'ai pas à me plaindre. J'ai pris un employé depuis trois ans et c'est très agréable de travailler à deux car
travailler seul commençait à me peser.
La crise économique a-t-elle eu une influence sur ton activité ?
J'ai peut-être un léger ralentissement du nombre de nouvelles commandes mais j'ai de la chance, ce n'est pas
sensible.
Qui sont tes clients ? D'où viennent-ils ?
Mes clients sont pour la majorité français. J'ai eu un client belge et un client suisse mais dans l'ensemble, ça
ne dépasse pas les frontières de la France. D'ailleurs je parle très mal anglais. Ce sont en majorité des amateurs qui ont un certain niveau et qui
veulent s'offrir une belle guitare, se faire un beau cadeau. J'ai quelques professionnels, je dirais 20%, pas plus.
Tes clients ont-ils des exigeances spéciales ?
Sans parler d'exigeances, dans la commande de l'instrument, il y a toute une phase de choix des options. Il y a déjà
le choix des bois, la rosace peut être ornée, le chevalet sculpté, la tête sculptée elle-aussi.
Si je souhaite te commander une guitare, combien me coûtera-t-elle ?
Suivant les options, la qualité de bois, la qualité de la rosace, les ornements, les finitions, comme je t'ai dit tout à l'heure,
elle coûtera entre 3500 et 9000 euros.
Combien de temps te prend la fabrication d'une guitare ?
Ce n'est pas si facile à calculer car je ne fais pas une guitare d'un bout à l'autre. Premièrement, le travail sur
le bois se fait bien avant, le choix du bois, le séchage, ensuite, je peux travailler sur deux caisses en même temps, deux manches en même temps,
poncer ou vernir plusieurs guitares dans la même journée. Je dirais qu'il me faut entre un mois et un mois et demi pour terminer une guitare, selon
la qualité de finition.
As-tu déjà eu un client mécontent ?
Très peu. Certains clients n'ont pas été 100% satisfaits, c'est en général les clients les moins convaincus de ce qu'ils souhaitent.
Le client m'en parle mais je ne peux pas faire grand chose. Quand une guitare est terminée, on peut retoucher certaines choses mais on n'a pas une grande marge de
manoeuvre. Dans ces cas-là le client finit par revendre sa guitare. Ce n'est pas arrivé depuis longtemps. Je dois dire que mes clients repartent contents de mon
atelier.
Livres-tu les guitares à travers toute la France ?
Non, les clients viennent chercher leur guitare en main propre. Ça fait partie du plaisir. Ils viennent, ils
essaient, on discute et l'échange se fait de la main à la main.
Quels bois utilises-tu ?
Une guitare est faite d'un assemblage de plusieurs essences. Pour les tables, j'utilise majoritairement l'épicéa
du Jura. Je vais voir mon fournisseur tous les ans. Je choisis moi-même ce qui m'intéresse. Pour les tables je peux utiliser aussi de l'épicéa
d'Italie ou du cèdre du Canada, importé, cette fois. La caisse en faite en noyer, érable pour les essences locales mais j'utilise le plus souvent
des essences exotiques : de l'acajou du Onduras, de l'ébène du Mozambique, du Palissandre de Madagascar ou de Rio. Il y a des polémiques autour de
l'utilisation de ces bois. Souvent, les forêts sont mal gérées et l'utilisation massive de ces arbres fait du tort à l'écologie locale. Certains
luthiers se refusent à utiliser certaines essences. Je comprends très bien mais pour ma part, je pense que j'utilise des quantités tellement
faibles que je ne mets pas en danger une forêt avec mon activité. Comme je travaille à domicile, j'utilise très peu mon véhicule. L'un dans
l'autre...
Et pour les autres parties de l'instrument ?
Oui, le manche est en acajou, la touche est en ébène.
Le chevalet, c'est du plastique ?
Non, c'est de l'os. C'est ce qui nous différencie des productions industrielles.
Pour terminer, la question la plus importante : Quelles sont les différentes étapes de la fabrication d'une guitare ?
Il y a d'abord la prise de commande, le choix des bois et des options en fonction du style de musique, des attentes du client et de son budget.
- Vient ensuite la préparation des bois : étape longue et décisive qui consiste a réaliser le meilleur mariage des bois
- D'abord le fond en deux parties puis la table d'harmonie : ajustage et collage du joint central puis collage
- Collage du "patche" sur le fond qui vient consolider le collage
- Préparation et collage des 4 barres d'harmonie pour le fond
- Réalisation de la rosace avec bois ou nacre et filets bois
- Incrustation de la rosace dans la table et mise a épaisseur, traçage du barrage en épicéa et collage des barres
- Préparation et cintrage des éclisses qui sont contraintes dans le moule , préparation et collage du talon de fond et de manche
- Mise en forme des barres d'harmonie de table et de fond puis assemblage de toute les barres sur les éclisses et assemblage avant collage du fond et de la table, la caisse est fermée
- On passe ensuite au manche : délignage, et collage de tête et de talon
- Réalisation d'une rainure pour encastrement d'une barre de réglage qui compense la tension des cordes (environ 80 kil) sur celui-ci
- Préparation de la touche et sillage pour les frettes
- Pose des frettes au marteau
- Assemblage du manche et de la caisse avec une queue d’aronde
- Taille du manche.
- Ponçage de finition et Vernis. Le ponçage et le vernissage peuvent prendre trois jours à eux seuls. Ce n'est pas l'étape la plus agréable.
- Pose de l'accastillage (mécaniques), réalisation et collage du chevalet, et réalisation des deux sillets os
- Montage des cordes et derniers réglages... c'est terminé .
Merci Thomas.
En savoir plus sur le métier
Christophe Couillaud
L'infiltré du dimanche est dans l'atelier de Christophe Couillaud, facteur de guitares. Le journaliste est sympathique mais a mal
préparé son entretien et connaît très mal le sujet. Ainsi, les questions ne sont pas toujours passionnantes mais le professionnel, lui, nous apprend beaucopu de choses.
Il est très proche des bois et c'est là que commence le métier, pour lui. L'inconvéniant d'une interview vidéo est l'aspect décousu des réponses qui ne sont pas mis en
forme. L'avantage est clairement au niveau des plans qui font le tour de l'atelier.
Frédéric Beaudoin
La série "Métiers artisanaux dans l'Oise" présente le facteur de guitare Frédéric Beaudoin dans une très jolie vidéo sans paroles mais pas
sans musique. On y voit le parcours de la création de la guitare depuis le choix des essences de bois dans des immenses ateliers jusqu'à la touche finale en passant par toutes
les étapes décrites dans mon article.
Paul Champagne
"L'art de la lutherie" avec Paul Champagne. On remarque, en passant, que le métier est parfois "Facteur de guitares", "luthier" ou
"luthier guitares". Une vidéo VHS de Claude Sirois, guitariste québecois. Il commence par un retour sur l'histoire de la guitare. La vidéo des années 80 a vieilli
au niveau de l'image mais le métier, lui, n'a pas changé.
Ken Parker
Interview du facteur Ken Parker (Usa) au salon de guitare de Montréal sur ses innovations en matière de recherche de son.